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Répondre au sujet  Lecture  Céleste et la goutte d'eau 
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 Lady est absentLadySexe : Féminin 


Message  22.04.2009 12:41:26  Céleste et la goutte d'eau  Répondre en citant  

Au milieu du village, il y avait un puits.
Un puits moussu et tranquille. Un bon vieux puits qui ressemblait à tant d'autres : un de ces bons vieux puits, rond et grassouillet, paressant toute la journée au soleil. Pourtant les légendes du lieu racontaient que ce puits si inoffensif prenait vie les nuits d'équinoxe et qu'il se passait sur la place des phénomènes bien étranges...

Personne ne l'approchait alors... Il semblait doté, à ces moments, de pouvoirs maléfiques : des sorcières dansaient autour, en faisant une ronde infernale, tournoyant de plus en plus vite, pour s'envoler ensuite, ivres de chants et d'incantations bizarres...

Peu de personnes avaient assisté à ce spectacle et certaines ne s'en étaient jamais remises. On murmurait que c'était la cause des pertes de mémoire de Justin... Les chiens hurlaient ces nuits-là et on ne rencontrait âmes qui vivent dans les ruelles du village. Les chats noirs disparaissaient tous mystérieusement pour ne rentrer qu'au petit matin. Ils longeaient les murs ensuite, la conscience chargée de lourds péchés, semblait-il, pour aller dormir la moustache repentante !

Pourtant l'eau que l'on y puisait était claire et douce sous la langue comme si elle était protégée, par quelque chose ou quelqu'un, de tous ces maléfices.
Certains disaient que c'était Sainte Marthe qui, ayant posé la main sur la margelle, en aurait assuré la protection à jamais ! Allez savoir !
Mais une autre légende se rapprochait certainement plus de la vérité : C'est celle qu'un vieux racontait, les soirs d'hiver, la pipe à la bouche, à qui voulait l'entendre... La voici...

Céleste était un jeune garçon turbulent, le seul fils de fermiers pauvres et âgés. Il avait bien du mal à tenir en place et les parents avaient tout autant de mal à se faire obéir ! Il en faisait tellement des " vertes et des pas mûres " que les deux vieux ne savaient plus à quel saint se vouer, comme on dit !

Un soir, très fâchés, ils l'enfermèrent à l'étable pour y passer la nuit. De cette façon, ils crurent le punir sévèrement :
-" Dors avec les vaches, elles t'apprendront patience et sagesse ! "
Ceci dit, ils fermèrent la porte, bien cadenassée ! Peine perdue, Céleste passa par la lucarne, sans plus attendre et se retrouva dehors, dans le milieu de la nuit et décida de s'enfuir le plus loin possible de la maison !
Mais avant de partir, il cacha sous sa chemise, bien au chaud, sa tourterelle chérie, sa petite compagne de tous les instants. Avec elle, il pouvait aller au bout du monde, sans regret...

Il courut un bon moment sur les chemins de montagne puis arriva au village. Alors il ralentit l'allure : ses parents n'étaient pas sur ses talons, il n'avait donc pas de crainte à avoir. Il marcha dans les ruelles, tout content d'être enfin libre.
C'est alors qu'il sentit, en s'éloignant encore, une gouttelette d'eau s'écraser sur son bras. Il leva la tête pour interroger le ciel : pas un seul nuage ne semblait vouloir cacher la lune aussi ronde qu'une galette d'or !

Pourtant, une deuxième puis une troisième goutte l'atteignirent sans qu'il puisse deviner l'origine de cette pluie mystérieuse. Mais aussitôt, un rire derrière lui le fit se retourner : Il aperçut une dizaine de femmes, agenouillées au lavoir et battant le linge... En pleine nuit... Elles cessèrent leur activité pour rire de plus belle et se moquer de lui. Elles ne semblaient pas animées de mauvaises intentions.

Céleste s'approcha d'elles, la curiosité prenant le pas sur sa peur. Il en était sûr, à présent, même si elles étaient habillées de blanc, il avait devant lui des sorcières, à n'en pas douter ! Seules des sorcières peuvent s'activer, la nuit, de cette manière si étrange !
-" Que fais-tu ici, petit ? Tu devrais dormir dans la maison de ton père ! Tu sais qui nous sommes et nul ne doit nous voir, par les nuits de pleine lune ! " Sa voix était harmonieuse et son visage d'une exceptionnelle beauté.

Le petit garçon n'écoutait pas ces paroles tant il était étonné de voir une sorcière à l'allure si ravissante. Ses compagnes étaient toutes aussi jolies, aux traits fins et parfaits mais elles lui faisaient des grimaces pour se moquer encore !
-" Je croyais que les sorcières étaient laides et toujours habillées de noir !
-" C'est ce que font croire les fées, ces langues de vipères ! Pourquoi ne serions-nous pas belles, nous aussi ? Nous connaissons les philtres et la magie de l'embellissement.

C'était toujours la même sorcière qui parlait. Les autres restaient en retrait, trop occupées à ricaner.
-" Enfant, je ne peux te laisser partir ainsi, à présent. Tu en sais trop sur nous.
-" Je ne dirai rien, je vous le promets !
-" Balivernes ! Pour être sûre de ton silence, il me faut un gage de confiance. Donne-nous ce que tu aimes le plus : ta tourterelle chérie cachée sous ta veste ! Tant que tu te tairas, elle restera en vie, avec nous. Si tu sais tenir ta langue, elle vivra aussi longtemps que toi… Mais au moindre mot qui t'échappera, nous la tuerons !
-" Mais je ne connais aucun de vos secrets : je vous ai vues juste laver votre linge !

-" C'est plus qu'un simple linge que nous lavons, c'est le destin des hommes que nous modifions à notre gré. Tu es un enfant… Nous t'épargnerons mais il nous faut plus que ta parole pour ton silence. C'est notre loi ! "

A l'instant même où la sorcière tendait la main pour attraper l'oiseau, ce dernier s'échappa. L'enfant, plus rapide, avait entr'ouvert son vêtement et d'un seul coup d'aile, l'animal volait déjà au plus haut !

Alors la femme retourna sa colère contre le jeune garçon.
Sous le regard féroce de la sorcière, il se sentit devenir étrangement petit, minuscule... Et prisonnier d'une cage... une drôle de cage : transparente, diaphane : il était enfermé dans une goutte de rosée !

Et il roula, roula encore, dans l'herbe jusqu'au lavoir... Et du lavoir glissa dans la rivière. Il n'était plus qu'une pauvre gouttelette perdue parmi des milliers d'autres ! Le courant l'aurait entraînée ainsi pendant des heures jusqu'à la mer si le vent ne s'en était mêlé. La goutte de rosée s'accrocha alors à une herbe de la rive. Ensuite la terre l'absorba en un rien de temps et elle disparut dans la fraîcheur d'une nappe d'eau souterraine.

Puis, on ne sait par quel miracle, son voyage se termina enfin dans le gros puits joufflu du village !
Et depuis ce jour, Céleste, prisonnier de sa bulle, séjourne dans ce puits... pour l'éternité, sans doute.

Quant à la sorcière, elle regretta aussitôt son geste de colère. Mais c'était déjà trop tard !
Depuis lors, toutes les nuits d'équinoxe, aidée de ses compagnes, elle danse et chante autour du vieux puits. C'est sa punition.

Elle a essayé maintes incantations pour libérer Céleste de son charme mais rien n'y fait ! Elle doit revenir encore et encore !

On dit qu'une tourterelle, perchée sur le puits, les observe en silence. Elle semble attendre le retour de quelqu'un...


Jocelyne MARQUE

Rappelez-vous que vous êtes unique comme tout le monde.
 
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